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Anne-Catherine Husson Traoré : « Il est urgent de rappeler que l’avenir peut être désirable »

  • Auteur : Decade for Change
  • lundi 14 avril 2025

Passionnée par la finance durable, Anne-Catherine Husson-Traoré s’attache à accélérer la mutation du secteur financier et des entreprises vers plus de responsabilité sociale et environnementale. En 2001, elle a cofondé le média en ligne Novethic. En 2025, elle se lance dans une nouvelle aventure en créant les Acteurs de la Transformation Durable afin de transmettre aux dirigeants les savoirs et compétences liés à l’univers de la finance verte.  

  • Quel est le score à la mi-temps ?  

Le score est désastreux, on joue presque contre notre camp. Au lieu de marquer des buts en faveur de l’objectif clair fixé par les Nations Unies avec les objectifs de développement durable (ODD), chacun produit son propre jeu, sans cohérence. L’entraîneur, les Nations Unies, a été complètement débordé, incapable d’imposer sa tactique pourtant limpide : avancer ensemble sur 17 priorités liées les unes aux autres. Les ODD forment une grille de lecture globale. Il ne s’agit pas de choisir ceux que l’on préfère. 

  • Quelle a été l’action la plus marquante de cette première mi-temps ?  

Le moment Covid aurait pu être notre belle action collective, révélant clairement la nécessité d’un changement radical. Malheureusement, les avancées sont restées superficielles. Certains investisseurs ont détourné les ODD en instrument de marketing. J’ai, par exemple, vu l’un d’eux affirmer qu’il contribuait à lutter contre la faim en investissant dans Monsanto. Bref, l’action marquante n’est pas allée au bout. Parfois, j’ai l’impression qu’entre investisseurs et entreprises, certains jouent au rugby, d’autres au basket, mais personne au football !  

  • Quel joueur a été le plus influent, et à qui faudrait-il passer une soufflante ?  

En tant que Franco-Sénégalaise, je trouve que l’équipe du Sénégal joue clairement en Ligue des Champions, avec une véritable stratégie basée sur les ODD, impliquant activement sa population. À l’inverse, il faudrait passer une sérieuse soufflante à la Commission européenne, pourtant bien partie avec son Green Deal, mais aujourd’hui en recul. Elle se perd dans de faux débats sur la compétitivité au lieu de parler de transformation profonde. Quant aux États-Unis, avec Trump comme capitaine, ils font clairement de l’anti-jeu total, créant une instabilité chronique préjudiciable au business lui-même.  

  • Faut-il craindre une baisse d’intensité des supporters en deuxième mi-temps ?  

Les supporters ont toujours envie d’assister au match, mais le vrai problème, c’est qu’on ne leur a jamais clairement expliqué l’enjeu de la rencontre. Ils ne savent pas pourquoi venir, faute d’un projet politique clair. On ne parle pas assez du vrai sujet qui est « jusqu’où le modèle actuel est-il soutenable ? » Partout, l’abstention massive dans les urnes est une réponse logique à cette confusion. Pourtant, il y a un vrai potentiel citoyen, une volonté d’agir face aux crises climatiques et sociales, si tant est qu’on leur donne des raisons et des moyens clairs pour s’engager.  

  • Quel doit être le message du coach ?  

Il faut absolument remobiliser les troupes. Informez-vous, formez-vous ! Le coach doit rappeler aux joueurs, comme aux supporters, que cette compétition est non seulement nécessaire, mais passionnante. Nous avons tous les outils nécessaires, encore faut-il s’en saisir. Il est urgent de réintroduire de l’optimisme dans le débat, de rappeler que le jeu est enthousiasmant, que l’avenir peut être désirable. En un mot : cessons de céder à la dépression collective et retrouvons le plaisir et le sens du match !  

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