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Climat : tandis que le Parlement européen avance, à Bruxelles, la Commission crée le doute

  • Auteur : Decade for Change
  • jeudi 4 mai 2023

C’est une étape importante pour les Vingt-Sept. Les eurodéputés ont adopté, mardi 18 avril, plusieurs textes réformant le marché communautaire du carbone. Ceux-ci doivent encore être validés par les États membres le 25 avril, mais cette dernière étape relève de la formalité.

Première mesure : la réduction drastique du nombre de « permis de polluer » accordés aux entreprises. Les quotas gratuits sont appelés à disparaître totalement en 2050. Ce marché du carbone ne concernait jusqu’ici que les acteurs énergétiques et les activités industrielles les plus polluantes (cimenterie, sidérurgie, etc.). Il va être étendu à d’autres secteurs comme le transport maritime, le secteur aérien ou l’incinération de déchets. Un second marché du carbone est prévu pour le chauffage des bâtiments et les carburants routiers, qui concernera aussi les particuliers.

Conséquence : les entreprises vont devoir baisser leurs émissions ou payer beaucoup plus cher leurs droits à polluer. Le risque est de voir leur compétitivité chuter par rapport à leurs concurrents étrangers. Afin d’y pallier, une taxe carbone aux frontières va être instaurée et montera en puissance entre 2026 et 2034. Les produits importés les plus polluants seront soumis à un prélèvement, s’ils n’ont pas été fabriqués dans les mêmes conditions environnementales que celles imposées au sein de l’UE.

Ces mesures vont mécaniquement se répercuter sur les prix. C’est pourquoi la création d’un fonds social pour le climat, doté de 86,7 milliards d’euros a également été votée. Il verra le jour en 2026 et financera les plans de soutien des États membres aux consommateurs et aux entreprises, ainsi que leurs investissements visant à isoler les habitations, acquérir des véhicules propres ou développer les transports collectifs.

Les nouvelles arrivant de la Commission sont en revanche moins encourageantes, pour au moins trois raisons.

D’abord, parce qu’elle prend du retard dans la publication de l’acte délégué (équivalent d’un décret d’application) de la directive CSRD, qui doit donner un cadre plus complet et rigoureux au reporting extra-financier. Certains observateurs y voient le signe d’une ambition réduite, sous la pression de groupes d’influence. Soit en réduisant d’un quart le nombre d’indicateurs qu’elle demandera aux entreprises de communiquer, soit en se concentrant à ce stade sur la question climatique.

La réglementation SFDR, visant à promouvoir la durabilité dans le secteur financier, était, elle, dans le flou. Quels fonds pouvaient être considérés comme durables, et selon quels critères ? La confusion avait conduit à la rétrogradation de très nombreux fonds, de la catégorie article 9 (intégration d’un objectif ESG) vers l’article 8 (prise en compte des critères ESG). La Commission vient de répondre : il reviendra aux acteurs eux-mêmes de présenter la méthode par laquelle ils évaluent leur contribution à des objectifs sociaux ou environnementaux. Pas certain que cela contribue à faire la clarté sur les marchés.

Reste enfin la question de la taxonomie, cet inventaire des activités durables. De vifs débats politiques avaient opposé la France et l’Allemagne pour savoir s’il fallait ou non y intégrer le nucléaire, d’une part, et le gaz, d’autre part. Les deux sources avaient finalement gagné le droit d’y figurer, en tant qu’énergies de transition. Cela vaut aujourd’hui à la Commission deux procès lancés par des organisations environnementales, qui considèrent que cet arbitrage va à l’encontre de la législation et des engagements de l’Union européenne sur le climat.

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