C’est l’un des sujets d’attention à la COP15 sur la biodiversité qui se tient en ce moment à Montréal. Le terme de « crédits biodiversité » figure dans le projet d’accord de la COP ; la France a proposé qu’un groupe de haut niveau fasse des recommandations sur la création d’un marché de crédits biodiversité ; et les places boursières – à commencer par Wall Street – s’y intéressent de plus près.
Le débat sur leur avenir est à l’évidence façonné par celui sur les crédits carbone, qui ont aiguisé la vigilance collective sur l’efficacité réelle de ces mécanismes. Avant même d’avoir véritablement émergé, les crédits biodiversité sont déjà confrontés à un procès en greenwashing.
À ce jour, de nombreuses juridictions imposent, à des degrés divers, de compenser la destruction d’un environnement naturel ou des espèces qui l’habitent. Ces compensations sont réalisées en nature et ne sont pas mises sur un marché. D’où l’idée de les monétiser. Une idée qui se heurte à plusieurs arguments :
les modèles actuels évaluent encore imparfaitement les fonctions écologiques. On se contentera donc de retenir « ce que l’on sait » pour juger du bon état des écosystèmes naturels et la valeur des crédit associés ;
la monétisation conduit, de facto, à juger du bon état des écosystèmes en fonction de la valeur monétaire totale, un renversement particulièrement dangereux ;
surtout, on confond dans un même indicateur la destruction et la restauration. Cela signifie que les efforts destinés à réduire les destructions et les actions de restauration se valent. Dans un tel système, tant qu’elle est moins chère, la restauration est mécaniquement privilégiée. Selon les experts qui signent une lettre du Green Finance Observatory, c’est un permis pour de la « destruction additionnelle », c’est le cœur du piège tendu par les stratégies « net gain biodiversity ».
Une autre voie existe pour développer ces crédits et favoriser le financement des actions de restauration des écosystèmes. Elle consiste à détacher ces crédits biodiversité des logiques de compensation. C’est la ligne d’un récent rapport du Programme de développement des Nations-Unies et de l’International Institute for Environment and Development. C’est aussi dans ce sens qu’Alain Karsenty, économiste spécialiste de la biodiversité, propose de les rebaptiser « certificats d’impact positif« : dans cette option, ils n’ouvrent pas droit à un débit (le droit à la destruction de la biodiversité), mais s’inscrivent uniquement dans une logique de contribution à sa préservation.