Plus de 40 % des denrées alimentaires vendues en Europe contiennent des résidus de pesticides, selon un rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments. Le sujet divise et le comité d’orientation du plan Ecophyto 2030, qui s’est tenu le 13 mai dernier, a montré que la guerre des indicateurs continue de faire rage, sur fond de visions divergentes sur le futur du système agricole français.
Le gouvernement a en effet annoncé une baisse de 36 % des risques liés aux pesticides entre 2011 et 2022. Son analyse se fonde sur le HRI1, un indicateur européen adopté en 2024. Cet outil pondère l’usage des produits en fonction de leur dangerosité. Il remplace l’indicateur historique, intitulé NODU, qui calcule uniquement la quantité de substances vendues et est, lui, en augmentation de 3% sur la même période. Il est vivement critiqué par les agriculteurs, car il ne prendrait pas en compte leurs efforts pour transiter vers des produits moins toxiques.
Le NODU a en revanche le soutien des écologistes, qui y voient un moyen de faire chuter l’usage des pesticides. Ce sont donc deux visions de l’agriculture française qui s’affrontent : moins de pesticides ou zéro pesticide ?
Pour (essayer de) résoudre le débat, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) propose un troisième indicateur fondé sur des données toxicologiques réelles et intégrant les effets sur huit espèces cibles, de l’homme à l’abeille. En effet, l’Institut a critiqué l’absence de base scientifique pour établir les pondérations du HRI1 et le manque de transparence dans sa conception. Mais la complexité de son nouvel indicateur risque de freiner son adoption politique.
Le débat est d’autant plus intense qu’est en ce moment discutée à l’Assemblée nationale la proposition de loi Duplomb. Ce texte entend simplifier la vie des agriculteurs et envisage également le retour de certains néonicotinoïdes, les fameux « tueurs d’abeilles. » Car les producteurs de betteraves ou de noisettes, dont les filières sont menacées, ne disposent pas d’équivalents.