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Investissement durable : grand ménage chez les gestionnaires d’actifs

  • Auteur : Decade for Change
  • mercredi 21 décembre 2022

« C’est quand la mer se retire qu’on voit ceux qui se baignent nus ». La formule célèbre de Warren Buffet pourrait s’appliquer au mouvement de reflux brutal à l’œuvre dans la finance durable européenne.

Ces dernières semaines, les grands gestionnaires d’actifs (Blackrock, Amundi, Invesco, Pimco, DWS, AXA IM, Robeco, Deka, Neuberger Berman entre autres) ont déclassé des dizaines de milliards d’euros de fonds article 9, c’est-à-dire les fonds considérés les plus durables au regard de SFDR, le règlement européen sur le reporting finance durable. Depuis son entrée en vigueur début 2021, SFDR propose de classer les fonds en article 9 (ils poursuivent un objectif d’investissement durable), article 8 (ils promeuvent des caractéristiques environnementales et sociales) ou article 6 (ni l’un ni l’autre).

L’argument invoqué par les gestionnaires d’actifs pour basculer leurs produits en article 8 ? Le régulateur a posé ce cadre sans donner de définition du durable, et la confusion est grande sur les critères qui seront finalement retenus à partir de 2023. Or, le niveau d’exigence qui se dessine semble plus élevé que les anticipations de beaucoup d’acteurs.

Mais la question doit aussi se poser dans l’autre sens : en l’absence de visibilité sur la définition du durable et les critères d’application, que révèle l’engouement précédent pour la classe article 9 ? Jusqu’à ce jour, les acteurs financiers décidaient eux-mêmes de la classe de leurs fonds, sans réel risque juridique ou réputationnel. Parce que les concurrents le proposaient, que les clients le demandaient et que la tentation de se prétendre conforme aux meilleurs standards est toujours très forte, les acteurs se sont rués sur les étiquettes articles 8 et 9, et en ont fait très rapidement le nouveau langage de l’investissement durable. La logique marketing s’est affranchie de l’esprit de SFDR, qui prône transparence et pédagogie sur le contenu des fonds et les critères d’investissement.

Résultat : sur plus de 1000 fonds article 9 recensés en septembre 2022, moins de la moitié contiennent un pourcentage minimum d’investissements durables et seulement un tiers un pourcentage d’investissements alignés avec la taxonomie. De facto, on trouve de tout dans ces fonds article 9 : des fonds indiciels « trackers » riches en fossiles et autres industries très carbonées, des armements controversés, des actifs russes, etc.

Le moment est révélateur. À l’ère du soupçon de greenwashing généralisé, et au moment où les régulateurs financiers en font un cheval de bataille, quel en sera l’impact pour la crédibilité des engagements des acteurs financiers ?

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