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Matthieu Auzanneau : « Le refus d’obstacle risque de nous être fatal en seconde mi-temps »

  • Auteur : Decade for Change
  • lundi 24 mars 2025

Après plus de dix ans de journalisme au sein de médias tels que Le Monde et Arte, Matthieu Auzanneau a rejoint en 2014 le think tank The Shift Project, consacré à la transition énergétique, dont il occupe le poste de directeur depuis octobre 2016.  

  • Quel est le score à la mi-temps ?

Nous sommes menés 1 – 4 à domicile. On a pris 4 buts, dont un péno et un contre-son-camp, et loupé plusieurs occas’ vraiment cadeaux. L’inconséquence des divers responsables de l’économie européenne, en dépit d’un quart de siècle d’engagements à nous décarboner, nous a menés à ce résultat. Le déficit de compétitivité sur l’énergie dont souffre désormais l’Europe est la conséquence de l’absence de traduction de nos engagements climatiques en une politique industrielle consistante.

  • Quel a été l’action la plus marquante de cette première mi-temps ?

On a pris quelques initiatives de bon aloi (le Carbon Border Ajustment Mechanism, l’arrêt des ventes de véhicules thermiques en 2035), mais qui restent fragiles, à défaut de davantage de cohérence dans la stratégie et d’audace dans sa mise en œuvre. Ce refus d’obstacle risque de nous être fatal en seconde mi-temps.

  • Quel a été le joueur le plus influent de cette première mi-temps et celui auquel l’entraîneur devrait passer une soufflante ? 

Le joueur le plus influent a été une joueuse, Greta Thunberg. Pour la soufflante, je suggère de la passer aux boomers aux commandes. Trop peu d’acteurs mesurent combien le refus d’obstacle de l’économie européenne place celle-ci dans une position de vulnérabilité historique. La fin des hydrocarbures est un phénomène séculaire inexorable qui se fera de gré (lutte contre le dérèglement climatique) ou de force (avec le déclin du pétrole conventionnel). Décarboner, d’une part, et reconquérir notre souveraineté, d’autre part, sont deux objectifs largement convergents, à condition de savoir nous y prendre.

  • Faut-il craindre une baisse d’intensité des supporters en deuxième mi-temps ? 

Le refus de quitter la pente de plus faible résistance que nous suivons complaisamment avec les énergies fossiles nous embourbe à présent dans le marais vers lequel elle mène. Nous extirper de ce marécage sera d’autant plus difficile que nous avons – depuis le protocole de Kyoto en 1997 – laissé une génération entière procrastiner, en choisissant la facilité.

  • Quel doit être le message du coach ?

Allô, Churchill ?… Nous voilà dos au mur, face à une évolution inexorable qui peut être menée de notre plein gré ou que nous pouvons continuer à subir, « par la force des choses » … Sans l’audace et la cohérence nécessaires pour entreprendre cet effort de reconstruction économique, nous achèverons d’échouer le navire européen. Mais la première nation (ou le premier groupe de nations) qui saura montrer qu’un chemin existe pour sortir des énergies fossiles, non seulement marquera l’histoire à tout jamais, mais pourra se bâtir des avantages comparatifs inouïs.

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