Pascal Demurger est le directeur général de la MAIF, qui a, sous son impulsion, adopté en 2020 la qualité d’entreprise à mission. En mai 2023, il a été élu, aux côtés de Julia Faure, co-président du Mouvement Impact France, organisation patronale qui fédère l’ensemble des acteurs mettant l’impact environnemental et social au cœur de leurs modèles.
J’aurais aimé pouvoir dire que l’on a pris de l’avance, car la seconde mi-temps va être vraiment difficile.
Nous sommes rentrés dans le match : l’immense majorité de nos concitoyens est désormais consciente du défi écologique et ne le réfute plus, beaucoup de chefs d’entreprise comprennent que pour rester performants, il leur faut pivoter. En France, la trajectoire des émissions de gaz à effet de serre a baissé. L’Union européenne a adopté des mesures ambitieuses avec le Pacte vert. La transition est d’une certaine manière enclenchée.
Mais nous ne menons pas au score. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des cataclysmes liés au dérèglement climatique en témoigne. D’ailleurs, nous n’avons pas réussi à réduire drastiquement nos émissions. La transition est un changement systémique qui remet en cause aussi bien nos modèles d’affaires que nos modes de vie et suscite donc de très fortes résistances. Les dernières semaines montrent combien nous rentrons dans le dur.
Indéniablement, le Pacte vert européen. Créé dans ce que l’on peut désormais considérer comme une période favorable, il constitue le cap que nous devons suivre par son ambition – à la hauteur des objectifs climatiques définis collectivement – par son exhaustivité – plus de 70 textes – et par son potentiel transformant pour notre économie.
Mais c’est parce qu’il est aussi large qu’il est sujet à de nombreux vents contraires. Je crois qu’il existe des forces collectives pour le maintenir et c’est ce à quoi nous nous employons avec le mouvement Impact France. Parce que nous sommes persuadés que c’est ce modèle, conjuguant engagement et performance, qui nous permettra non seulement de nous adapter à la nouvelle donne climatique, mais surtout d’être compétitifs et souverains.
Sur ces sujets de transition, il faut saluer le rôle des scientifiques, toutes spécialités confondues. Je pense à ceux du GIEC évidemment, qui ont accompli des prouesses en termes de pédagogie et pour combattre un certain nombre de contre-vérités. Les travaux de chiffrage et d’objectivation de Jean-Pisani Ferry et Selma Mahfouz ou ceux d’I4CE ont aussi permis d’asseoir une compréhension collective et de démontrer que les coûts de l’inaction étaient bien plus élevés que ceux de l’action.
Il ne faut pas oublier que c’est la mobilisation de la jeunesse qui a donné de la puissance à ce constat scientifique, de Greta Thunberg à Camille Étienne. Sans cette force de frappe, nous n’en serions pas là. Il faut s’inquiéter que cette génération soit moins entendue aujourd’hui.
Il n’y a pas de doute : le réchauffement climatique s’est installé comme l’un des sujets majeurs d’inquiétude des Français. En juillet dernier, ils étaient 86 % à admettre que c’était un problème grave et 46 % à le considérer comme « la plus grande menace pour leur mode de vie dans les dix prochaines années », devant la stabilité économique par exemple. Malgré cela, le fait que la mobilisation militante ait perdu du poids dans le débat public impacte nécessairement l’impulsion politique.
Nous devons faire comprendre que la transition écologique n’est pas seulement une exigence morale ou existentielle de long terme, mais bien une condition de notre puissance à court terme. Un exemple : l’Europe est largement dépendante de ses partenaires mondiaux en matière de ressources fossiles. Donc pivoter vers une énergie décarbonée le plus rapidement possible sera un facteur de notre performance.
L’un de nos prochains défis, c’est la mobilisation des entreprises. Une première bonne résolution serait d’arrêter les stop and go, notamment réglementaires. À moyen terme, l’un des leviers les plus puissants serait de revoir la relation entre l’État et les entreprises. Les pouvoirs publics doivent être en mesure d’inciter davantage ces dernières à l’adoption de comportements vertueux, en conditionnant ses soutiens, voire en modulant sa fiscalité